lundi 11 mai 2009

J+1


Voici, les extraits de mon carnet de voyage. Chaque jour, un petit bout. Les photos liés au carnet sont en train de charger sur un diaporama. Il sera disponible ce soir ou demain. Bonne lecture:

Lundi 20 avril,
Voilà un mois que j'ai reçu le coup de fil de Helmut P." Ca te dis de ramener un Antonov II d'Afrique en Europe?".
L'aventure me manque. Il n'en fallait pas plus. Je lui réponds "OUI" sans vraiment imaginer ce que cela implique. On verra bien.
Il s'en est passé des choses pendant ce mois. Un vrai marathon entre la recherche de financements, les chaînes TV, le boulot, la préparation matérielle du voyage, la négociation des dates de vacances au bureau, le passeport, les visas, internet, les coups de fils, les mails, l'horloge qui tourne, la banquière qui grogne et l'incertitude du départ jusqu'à il y a deux jours. Je n'ai pas ménagé mon sommeil, ma moto, ni mon ordinateur. Heureusement, il y avait les copains, les collègues, les amis et la famille.
Je repense à tout ça, et je ne suis assis dans l'avion qui me mène en allemagne que depuis à peine 10mn. Sophie m'a lâché à l'aéroport juste à l'heure. Elle non plus n'a pas ménagé ses efforts. Couture pour ma combinaison de vol qui en avait bien besoin, mails et résolution de problèmes informatiques en urgence. Elle doit être bien contente de me lâcher sur le trottoir de l'aéroport de Charles de Gaulle..."enfin les vacances" pourrait-elle penser, et elle aurait bien raison. Sans son aide je ne serai probablement en train de voler en direction de Francfort. Pas plus que sans celle d'Olivier, Emma, Hervé, Marie&Nico, Pauline&Julien, Chrystelle&Thierry, Manu&Aurélie, Laurent/ Anne&Léa, Romu&Auréle, de mon pote Ecossais Hamish Mitchell, Dalida, Sandrine, Jean-Philippe, de mon copain de Hong Kong Gordon Lee, de Frédérique mon ancienne et excellente prof d'anglais du lycée, de Ben ou Vincent tous deux en Chine, Michel Stephan et ses amis, de Florence, Julien, Lieve en Belgique, Morgane, Antoine, Marine, Arnaud, Claire et quelques autres dont je ne connais pas encore le nom. Et puis il y a les petits messages, comme celui de Polo qui remontent le moral.
Pour la première fois je n'ai pas l'impression de voyager seul et avoir ces soutiens me donne une force que je ne connaissais pas. J'ai l'impression d'emmener avec moi toute cette bande de potes que l'idée d'aventure à aussi fait rêver.
C'est drôle, j'ai reçu très peu d'aide des gens du monde aéronautique. Je pensai au contraire qu'ils seraient les plus réactifs. Mais en fait non. Alors que je me fait cette remarque, l'avion pose juste ses roues à Francfort. Je récupère mon bagage et retrouve Helmut P. au comptoir d'Air Namibie. Embrassade, grande tape dans le dos, l'aventure peut commencer à la sauce Allemande.
22h30, nous embarquons à bord d'un A340 rempli de retraités et quelques chasseurs qui vont chercher de sensations fortes en prenant avec leur fusil meurtrier un bout de la vie sauvage. Ce n'est pas mon délire.
12 heures de vol nous attendent. Après m'être assis au milieu d'une rangée de 4 personnes, je me rends vite compte que ça ne va pas le faire dans cette position. Aux commandes dans le cockpit, à la rigueur, mais entre un Hollandais obèse et mon ami Helmut qui n'a pas non plus le physique d'un marathonien Kenyan, je me sens à l'étroit. Je repère la dernière rangée libre tout au fond de l'avion. L'hôtesse me dit qu'il n'y a pas de problème. J'installe mes large épaules, tranquille pour 12 heures. Il fait nuit et un demi-sommeil s'installe avant même le décollage. J'ouvre les paupières au moment où les réacteurs donnent leur pleine puissance. L'avion roule, roule, roule, il est chargé, très chargé. Après de longues secondes, il s'arrache de la piste.ça me fait toujours le même effet de décoller. Même si je connais parfaitement l'effet physique et les équations aérodynamiques d'une aile et de la portance, je trouve ça toujours magique. Réussir à faire voler autant de personnes avec leurs babages, l'essence, l'eau et le plateau repas qui m'attends...je trouve quand même que l'avion est l'invention qui en dépasse beaucoup d'autres.Je pourrais me priver de machine à café ou de ma TV, mais pas d'un avion. Ca y est nous volons, plus rien ne peut nous arrêter à priori. Je m'endors pour de bon. Demain, je me réveillerai au dessus de l'Afrique.
Vers 5h du matin le jour se lève sur l'horizon. Le passagers s'agitent et se pressent au hublot pour voir un petit bout d'aurore. Nous avons passé le Congo et Kinshasa au Congo, npus survolons maintenant l'Angola à près 19 000m d'altitude et à 900 km/h. Dans trois heures, la Namibie. Trois longues heures,l'impatience est forte.
Nous entamons la descente. Dehors, le désert. D'habitude en Europe, on survole toujours une agglomération avant de se poser, mais là la finale se fait au-dessus de rien. Pas une maison sous les ailes. Après un très bel atterrissage, la porte s'ouvre enfin. Et comme il n'y a pas que des avantages à dormir sur trois sièges tout au fond de l'avion, je sors le dernier. Dehors il fait bon. Ni trop chaud, ni trop froid. 23°. Mais il n'est que 08h30.
Nous passons la douane, récupérons les bagages. Dehors, nous attend un autre Helmut. Le voisin de premier Helmut mon ami. Ok, je vois, vous commencez déjà à vous embrouiller la tête. Alors, voilà ce que je vous propose. Nous allons leur donner un code. Helmut mon ami, sera Helmut P, pour Pilote. L'autre Helmut était directeur de 4 des plus grandes banques allemandes (Ironie du sort?). Alors il sera Helmut B, pour Banquier. Ca vous va? De toutes façons, vous n'avez pas le choix, c'est moi qui tape sur le clavier.
Nous voici donc maintenant en voiture, sur les routes droites de la Namibie direction Windhoek et l'aéroport d'Eros (un nom tout de même plus sympa qu' "Orly", non?). Nous devons y retrouver Thomas le propriétaire de l'avion ainsi qu'Annette son épouse. Il sont allés acheter 100 litres d'huile pour l'avion. Nous faisons les présentations et déjà je me rends compte qu'un élément ne va pas être en ma faveur dans cette expédition, je ne parle pas allemand. Helmut B parle très peu anglais et quand des gens d'une même communauté linguistique se retrouvent, ils parlent forcément leur langue maternelle. Mais très vite je me dis que ce n'est pas un problème majeur. On parlera anglais quand il y aura nécessité ou quand ils en ont auront envie. Moi, ça me laissera plus de temps pour moi, pour penser et puis c'est bien une coupure linguistique, on a pas a subir les tonnes de conneries qu'on entend chaque jours. Et puis je suis plutôt content de ne plus entendre parler français, ça augmente l'exotisme et l'immersion.
Thomas prend le volant de son 4x4 avec les 100l d'huile dans la remorque, nous nous embarquons à bord d'un taxi. Direction le Nord du pays, au sud du parc national d'Ethosha, là où Thomas et Annette on vécu pendant 10 ans. Ils y ont construit un lodge dans un parc de 5000ha. Ils sont partis de rien et on construit leur lodge: "Naua Naua". ça veut dire "Good Good" en Namibien. Petit à petit, Thomas a réussi a établir des relations avec les guépards qui vivent sur ses terres et tous les soirs, il siffle et les guépards sortent du bush et viennent le voir. Il leur donne à chacun la viande qu'il a chassé pendant la journée. Les invités du lodge peuvent ainsi admirer les guépards manger, à 2m d'eux, sans aucune barrière! Unique. Thomas possède deux avions. Un Cessna 206, pour aller chercher les touristes qui atterrissent à Windoek et leur épargner les 500km de voiture pour rallier le lodge. En 1h30 il fait le vol. Et il a aussi l'Antonov II pour faire des Safaris aériens. Le mois dernier, il a vendu Naua Naua. Son Antonov ne lui sert donc plus à rien en Namibie. C'est pourquoi il veut le ramener en Allemagne.
Sur la route nous nous arrêtons deux fois pour faire une pause dans une station essence. On se croirait en Europe. On y trouve de tout. C'est propre, climatisé...surprenant. On est pas encore vraiment en Afrique.
Nous arrivons au soleil couchant dans une ferme à 15km de Naua Naua. C'est là que nous allons passer trois jours, le temps de préparer l'avion et d'attendre Denis, un autre allemand qui doit prendre part au voyage. La ferme n'est autre qu'une jolie maison, mais Pete et Mariana ont 4000ha sur lesquels broutent leur bétail. Ici, ils sont au milieu de nulle part. Une fois par semaine ils vont à Windhoek (500 km aller) pour aller faire les courses et chercher les enfants à l'école. "Le week-end on va souvent boire un café chez des amis, sinon on ne verrait personne. C'est à seulement 80km d'ici" explique Mariana. Sympa!
Dehors il fait nuit, les étoiles n'ont jamais été aussi brillantes et nombreuses. Ici pas de pollution lumineuse. Magique.
Je pense à vous tous.
Dire qu'il y a moins de 24h j'étais encore en Europe. Maintenant, je suis en T-shirt, au milieu du bush et les bruits d'animaux tout autour de moi rappellent qu'ici on ne joue plus avec les même règles. Si on passe le portail de la ferme, on peut se retrouver face à un lion. Vous imaginez cette ambiance en France? Sortir de son appart et guetter si il n'y a pas un Léopard au coin de la rue qui aurait l'estomac un peu creux, ou encore faire un écart sur la route pour éviter un chacal. Cette idée m'amuse.
Nous avons bien mérité une bonne bière et faisons connaissance petit à petit. Vers 21h, c'est l'heure d'aller se coucher, nous nous levons demain à 5h, car Uwe, un Afrikaans de 70 ans(un blanc mais Namibien depuis trois générations, puisque la Namibie était une colonie allemande) , ami de la famille et spécialiste de la vie sauvage, vient au parc Ethosha demain. Il m'embarquera ainsi qu' Helmut B aussi dans son 4x4. On devrait y voir quelques bestioles....
En allant me coucher j'entends un rugissement. Puis un autre, ça se rapproche. Il y a 10 minutes à peine, Piete vient de me dire qu'en ce moment un lion s'attaque à son bétail et qu'il devra aller le chasser. Il en déjà tué 5 apparemment. "Jamais par plaisir, seulement par nécessité". Il a déjà essayé de capturer le lion et le relâcher à quelques centaines de kilomètres de sa ferme. "Mais une fois qu'un lion a son territoire, c'est inscrit en lui, et il revient toujours sur ses terres" me dit il. Donc Pete, part dans ces cas là à pieds avec son fusil et traque le lion pendant plusieurs jours, avant de lui loger une balle dans la tête. "Il y a autant de risques pour lui que pour moi" explique t'il. N'empêche que ce soir je n'ai pas de fusil et que seul un grillage d'1m80 sépare ma chambre du bush. Je laisserai mes chaussures devant la porte, ça dissuadera bien le plus sauvage des félins. A chacun ses armes après tout. Demain en route pour Ethosha, alors dormez bien, vous en aurez besoin....Bonne nuit.