jeudi 14 mai 2009

J+3: Le départ, le vrai! Naua Naua-Tsumeb-Rundu


Au réveil, il y a de l'excitation dans l'air. C'est le grand jour. Nous partons. Les sacs s'entassent dans les deux voitures. Piet et Uwe nous conduisent d'abord à Naua Naua pour récupérer les dernières affaires de Thomas et Annette. Nous roulons ensuite jusqu'à la piste. L'avion est là, rouge et blanc. Il attendait son heure. Elle est venue. La piste, une large bande de terrain déboisée, mélange de latérite, de sable et d'herbe. Il y a 1000m pour décoller. 1000m pour arracher l'avion du sol et nous propulser dans les cieux d'Afrique. Il ne faut pas traîner. Chaque minute, la température augmente un peu et rend le décollage plus délicat. Thomas et Helmut P se chargent d'ajouter les 20 litres d'huile du jour par bidons de 1 litre, Dennis et Helmut B s'occupent des bagages, je me charge de faire vingt tour d'hélices pour faire circuler l'huile dans les cylindres, un vrai sport de brute. J'effectue la prévol de l'appareil, pour voir si tout est en ordre. Je remarque du scotch sur l'aile inférieure droite, qui recouvre une blessure. Je demande à Helmut P ce qu'il en est. "Ne t'inquiètes pas, je t'expliquerai plus tard". L'avion est maintenant chargé à ras bord. 3 fûts de 200l, des cartons de bidons d'huile par pack de 10, les bagages, les club de golf d'Helmut B, une échelle, une roue de secours, les gilets de sauvetage, le matériel de survie, les balises de détresse et quelques outils.
Nous faisons nos adieux à Uwe et Piet et montons à bord. L'instant est solennel. Thomas et Helmut P mettent en route. Il faut être deux pour démarrer l'Antonov. Le pilote gère le starter et les magnétos. Dès qu'il les enclenche et que le moteur produit ses premiers toussotements, le copilote injecte de carburant et le pilote pompe sur la manette des gaz. Un nuage de fumée envahit le cockpit, et sort par les instruments et la console du tableau de bord. Le moteur hésite, tousse, crachote et tout à coup se met en branle dans un bruit fantastique. Il tourne rond et pétarade tant qu'il peut. Nous remontons la piste jusqu'au bout. Thomas fait les essais moteurs et pousse la manette des gaz à fond. D'une main nous nous tenons à une barre située sur les parois de la cabine. L'avion prend de la vitesse, se met en ligne de vol et lentement quitte le sol. Nous prenons une faible pente de montée. Annette salue par le hublot nos deux amis restés au sol. Ca y est, nous volons. Nous nous tapons dans les mains pour extérioriser cette première réussite et pour se souhaiter aussi un peu bonne chance. Dehors, le bush à perte de vue. Les couleurs sables se mélangent aux vert des petits feuillus. Parfois une piste toute droite court jusqu'à l'horizon. C'est merveilleux. J'ai une pensée vers tous ceux que j'aime, tous ceux qui ont suivi et supporté ce projet. J'aimerais qu'ils voient ça, qu'ils soient là. Les appareils photos crépitent dans tous les coins, à tous les hublots, à gauche à droite...comme si on ne voulait pas perdre une miette de chaque centimètre carré de cette terre d'Afrique, comme si on avait peur d'oublier un instant si magique. Au bout de 10 minutes les premières turbulences apparaissent. Faibles au début, elles deviennent rapidement fortes. Nous sommes obligés de nous attacher. Une odeur d'huile de moteur chaude envahit la cabine. Nous commençons a ressentir les premiers symptômes du mal de l'air. Ça commence par de la transpiration, une envie de dormir et la bouche pâteuse. Comme le mal de mer et les odeurs de gazole. C'est la première fois que ça m'arrive en vol.
Je me dit: Jean Marie soit tu réussis à t'adapter rapidement auquel cas il n'y aura pas de problème, soit ce voyage va être un calvaire au quotidien. Thomas me demande de le remplacer aux commandes pour une demi heure. Je m'installe en place gauche et prend le manche. Je me sens rapidement mieux. Piloter ce vieux bourrier est extraordinaire. Je n'ai pas vraiment le temps de penser au rêve qui m'habite depuis tant de jours. Je suis maintenant en plein dans la réalité et il faut gérer la route, l'altitude, la vitesse et les paramètres. Le manche est lourd, les efforts demandent une réelle pression musculaire, comme il y a 50 ans. Les pilotes d'antan étaient de sacrés bons gars. Ils en ont fait des choses extraordinaires avec les moyens de l'époque! Et aujourd'hui on est un peu à leur place, avec le même matériel, voire même un peu plus vieux.
Dans le cockpit il y a une fenêtre que l'on peut ouvrir en vol, comme une vitre de voiture. je l'ouvre aux 3/4 et l'air circule mieux. Helmut P lui, a ouvet sa combinaison de moitié. La bedaine à l'air, il est tranquille. Il a bien raison. Du cockpit, le paysage est encore plus beau.1h19 plus tard nous sommes en finale à Tsumeb. Thomas reprends les commande et fera d'ailleures tous les atterrissages et décollages du voyage. Pour le reste nous nous relayons. Au moment où nous touchons les roues, la roulette de queue sort de piste et va traîner dans l'herbe. Le frein pneumatique souffle très fort et produit des "tchhh-tchhhh" chaotiques.Finalement nous nous arrêtons. Un grand coup de gaz et nous rejoignons le parking. Thomas n'a pas l'habitude de voler avec autant de charge, le comportement de l'avion change beaucoup. Il n'a pas gardé assez de vitesse en finale. Heureusement que l'Antonov s'accommode de faibles vitesses d'atterrissage.
Nous sautons sur la porte pour l'ouvrir et respirer un bon bol d'air. Une fois les pieds au sol et les trois premières respirations passées, tout va bien. C'est immédiat. C'est là que tout le monde avoue avoir été ballonné pendant le vol.
Nous devons refueler. 670 litres, afin de rejoindre Rundu en toute sécurité. Le plein ne pose pas de problème. Après 30mn d'arrêt nous repartons. Une petite angoisse au ventre, en se disant "dans 5 minutes je suis malade c'est sûr". Mais en remontant Anette nous montre les trois aérations du plafond qui sont fermées. Nous avions oublié de les ouvrir. Du coup l'air ne circulait pas et nous baignions dans les odeurs d'huile et d'essence, le tout dans la chaleur de l'Afrique. Sauvés! Nous ne serons plus malades une seule fois. Nous mangeons aussi des pommes en vol et ça semble avoir un effet positif. Après le décollage, nous passons quelques reliefs. Parfois une ferme perdue dans la pampa apparaît, isolée, coupée du monde et entourée par la vie sauvage. J'admire ceux qui y habitent . Un jour, un mois, un an d'accord, mais toute une vie!Admirable.
Parfois on aperçoit un point d'eau, on essaye de voir si on peut repérer des animaux qui viennent se désaltérer. Mine de rien, notre vieil avion avance bien. On est à environ 200 km/h. Le paysage défile. Les 1000ch du moteur déchaînent les décibels. Des casques anti-bruit sont à disposition, pendus sur les câbles en acier tressé qui servent au largage parachutiste. Les vols sont un véritable festin visuel. Nous arrivons à Rundu après 1h30 de vol. Et là, l'aventure a failli s'arrêter pour de bon. Laissez moi vous expliquer. En aviation, on cherche au maximum a atterrir face au vent. Nous faisons donc un repérage pour voir la manche à air et décidons du sens d'atterrissage. Le repérage est fait, nous atterriront vers l'Est avec un vent d'une quinzaine de noeuds. Alors que les roues touchent la piste, le vent tourne de 180° et pousse la queue de l'avion sur la droite. La queue cherche à dépasser le nez de l'avion. Le résultat ne tarde pas, nous faisons un 360° sur nous même. Tout le monde s'accroche. Thomas gueule en Allemand "MERDE". Pendant trois secondes, je serre les fesses et retiens ma respiration. Le risque, c'est de se retrouver sur le toit ou de casser une aile en percutant la piste. Par chance, nous avions un peu réduit notre vitesse et l'empattement du train d'atterrissage est large. Nous nous arrêtons dans l'herbe. Une fois stoppé, nous vérifions si les roues sont toujours là, et qu'elles n'ont pas éclaté. Nous avons marqué la piste d'un zéro avec le caoutchouc des pneus. J'attends avec impatience la prochaine mise à jour de google earth pour voir ça!
La police locale nous attend à la descente de l'avion. Il sont très sympas mais insistent pour voir nos passeports. Ils veulent aussi inspecter l'intérieur de l 'avion, plus par curiosité pour ce gros oiseau blanc que par réel soupçon de trafic d'armes, de drogue ou de diamants. Généralement quand ils voient le bordel à l'intérieur de la cabine, ils sont vite dissuadés d'y organiser une fouille. Nous sortons les sacs et un fût d'essence pour le remplir à la prochaine station service. Nous devons aussi organiser la douane pour demain matin. Et oui, nous quittons le territoire Namibien. Nous devons donc faire tamponner nos passeports. Il nous faut donc un officier de l'immigration. Nous appelons le bureau des douanes : "Pouvez-vous être là demain matin à 07h00?" réponse "ah ben non, nous n'avons pas de voiture pour aller jusqu'à l'aéroport". Ok, nous leur envoyons un taxi pour demain matin. C'est un peu comme si vous deviez payer directement l'essence de la moto du gendarme qui vous arrête pour excès de vitesse. J'adore l'Afrique, c'est comme un kinder surprise, on ne sait jamais sur quoi in va tomber.
Deux 4 x 4 dépêchés par l'hôtel sont là pour nous récupérer. Avec tous les bagages et le fût nous n'avons pas assez de sièges. Je fait le trajet dans le coffre. Nous nous arrêtons dans le centre ville de Rundu. Pendant que Thomas remplit le fût d'essence, nous allons au Brico depôt du coin, acheter de quoi réparer l'aile. Je ne sais toujours pas ce qui est arrivé, mais je sais que maintenant il nous faut un bout de plastique dur, et des baguettes de bois, parce que la réparation de fortune se déforme sous l'effet du vent pendant le vol. Dennis, qui parle allemand a compris pourquoi l'aile est abîmée, Thomas a percuté un arbre hier à l'atterrissage et le phare situé au milieu de l'aile est cassé. Bon, rien de grave, ça aurait pu l'être davantage. Parfois, je regrette de ne pas parler allemand . Mais Dennis est sympa, il a compris ma position d'étranger parmis les étrangers à l'étranger et me traduit l'essentiel en anglais.
Au bout d'une demi-heure, nous avons ce qu'il nous faut. En route pour l'hôtel. Le chauffeur nous annonce que la route habituelle n'est plus praticable à cause d'importantes inondations liées à la saison des pluies. Apparemment cette année les crues ont battu des records, jetant des milliers de personnes sur les routes. D'ailleurs des tentes de l'armée mises en place par la croix rouge, bordent la route. Ce qui est à craindre lors d'inondations, c'est la prolifération des moustiques donc de la malaria, mais aussi du choléra. Les reptiles également fuient les zones inondées et en ce moment il a beaucoup de serpents dans les parages. Nous rejoignons donc par la piste, les berges du Zambeze. Là, deux bateaux: un pour les sacs et un pour les bagages! Génial, une balade en bateau improvisée. On croise notre premier crocodile qui bronze sur un banc de sable. Ces bougres ont le camouflage parfait pour passer inaperçu. Mais notre conducteur à l'oeil bien entraîné. Au début il nous dit: "vous le voyez là?" et tout le monde "où? où?" Et ça dure bien 30 secondes avant que le premier dise: "ah oui, je le vois" et les autres "où?où?". "Mais là à gauche!" Finalement tout le monde le trouve. Frisson.
Ce soir, nous dormons dans des cases très bien aménagées et modernes sur les bords du Zambeze. L'hôtel vient de réouvrir il y a quelques jours à peine. Il était sous les eaux la semaine passée et nous voyons clairement les traces laissées par la boue. Mais le staff a bien travaillé et l'endroit est charmant. Il nous font un prix pour le dérangement et nous payons seulement 40$ la nuit. Après une bonne douche, c'est l'heure des "sundowners" autrement dit, l'apéro devant le coucher de soleil, et ce soir il est magnifique. Nous prenons un bateau plat et allons nous balader sur la rivière. Sur la berge opposée c'est l'Angola. Nous distinguons clairement le premier village et l'on pénètre illégalement en Angola par un bras de la rivière. Tiens, un autre crocodile, plus gros celui là. Allongé sur la berge, il se sent menacé. Nous ne sommes qu'à 3 mètres de lui. Nous ne voulions pas le déranger. D'un coup de queue puissant il fonce dans l'eau et disparaît.
Nous rentrons aux dernières lueurs du soir. Un dîner à la bougie puisque l'électricité est en panne et nous regagnons nos cases, enfin, notre "chambre de lune de miel" répète Dennis! Je préfère fermer les yeux et repenser à toutes ces images de ces premiers vols. Demain on part au Botswana et on survole l'Okavango....J'ai hâte....

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